Face à la crise de confiance qui les frappe, les banquiers choisissent de prendre du recul en rendant la parole aux clients, afin de retrouver une crédibilité.
Ils posent côte à côte, lui, la petite quarantaine, jean et pull décontracté, elle en petite robe beige rosé et leur fille, une dizaine d’années, collants rose fluo, tendance, mais pas bling-bling pour un sou. Ce trio, c’est la famille qui illustre la nouvelle campagne publicitaire de La Banque Postale, signée MC Saatchi GAD et diffusée depuis une semaine. En guise de signature de marque, un slogan qui sonne d’abord comme une promesse : « La Banque Postale. Banque et Citoyenne ».
Bénéficiant d’un budget de 10 millions d’euros bruts pour 2012, MC Saatchi GAD s’est efforcé de répondre à la feuille de route posée par l’annonceur : « Construire une banque accessible à tous, différente des autres. Une banque qui réunisse les avantages des deux mondes, la compétitivité du secteur privé et la recherche de l’intérêt public », résume Gilles Masson, coprésident de MC Saatchi GAD. C’est à travers ce « brief » acrobatique qu’il faut comprendre le soin apporté aux visuels destinés à mettre en avant des « vrais gens » auxquels s’identifier : tout le monde doit pouvoir se vivre comme un client potentiel de La Banque Postale. Une gageure, au moment où l’image des banques auprès des Français menace de toucher le fond. Selon une étude réalisée par l’Observatoire de la confiance de La Poste, le taux de confiance qui leur est crédité est tombé de « 63 % en 1982 à 49 % en 1993, 37% en 2001 et 25% en 2012 ». L’étude apporte ainsi un double enseignement, l’un attendu, l’autre un peu moins. D’abord, même si la plupart des Français s’estiment, à titre personnel, satisfaits de leur agence et de leur conseiller bancaire, ils jugent avec sévérité le monde de la finance, assimilé à la violence de l’univers des traders et jugé responsable de la crise financière. Les institutions bancaires figurent ainsi désormais parmi les professions les moins aimées, aux côté des garagistes et des taxis.
Un désamour précoce
Ensuite, et très paradoxalement, ce désamour a démarré dès les années 1990. C’est-à-dire bien avant la crise des « subprimes », la faillite de Lehman Brothers et les scandales Madoff et Kerviel. D’où, peut-être, le numéro de claquettes auquel s’est livrée la communication bancaire ces quinze dernières années. Depuis les créations allégoriques et oniriques, mettant en scène « une relation enchantée » avec le banquier (Blanche- Neige ou encore Cendrillon pour les Banques Populaires) ? en passant par les « campagnes de preuves » diffusées en rafale en 2009 : « BNP Paribas prête 5 milliards d’euros aux PME », « Pour un euro seulement, les Banques Populaires aident les jeunes à bien démarrer dans la vie ? ». Jusqu’aux créations actuelles, où CIC et LCL exceptés, le banquier s’est quasi évaporé des créations pour laisser la place au client (La Banque Postale) et à ses questionnements (BNP Paribas). Voire à ses problématiques (Société Générale). Personne ne se plaindra de cette primauté retrouvée. Même si certains, à l’image d’Olivier Aubert, y décèlent d’abord une forme de peur qui tairait son nom : « En matière de communication, les banquiers avancent masqués. Ils se cachent derrière le discours de leurs clients par crainte de se montrer. Nous travaillons dans un contexte de défiance généralisée, où il s’agit de recréer un lien avec le public. » Un contexte bien loin de 1973, lorsque le publicitaire Daniel Robert formulait brutalement : « BNP. Votre argent m’intéresse. » A présent, les banquiers passent à confesse : « Votre confiance m’intéresse », en quelque sorte. Changement d’époque. Et de discours.
Les Echos par Véronique Richebois