L’étude Australie-TNS Sofres montre que le consommateur juge globalement la publicité utile, mais de plus en plus pénible sur le Web.
Le 1er octobre 1968, la France découvrait, ébahie et ravie, le premier spot publicitaire en noir et blanc pour Boursin, signé Publicis. Depuis, comme un vieux couple, la publicité et les consommateurs ont appris à vivre ensemble. Et comme en témoigne la dixième édition de l’étude réalisée par l’agence Australie (Leclerc, CIC…) et TNS Sofres, le climat n’est ni à la détestation ni aux effusions du tout début… mais à une cohabitation raisonnée, pragmatique, traversée de tensions et de contradictions, comme en connaissent tous les couples.
Certes, un petit noyau d’irréductibles, soit 28 % des personnes interrogées, jugent la publicité « à la fois inutile et désagréable ». Plus cléments mais moyennement encourageants, 20 % des interviewés l’estiment « agréable mais pas utile ». Restent les 52 % qui en admettent l’utilité et, parmi eux, les 36 % qui l’estiment même « agréable ». A noter que les consommateurs les plus publiphiles (en chute de 6 % depuis 2004) se révèlent également les plus optimistes au moment de la question sensible : « Quand vous pensez à l’évolution de votre niveau de vie et du pouvoir d’achat de votre foyer dans les prochains mois, quel est votre état d’esprit ? ». 35 % d’entre eux s’avouent « confiants », quand l’hypothèse de « lendemains qui chantent » ne convainc que 24 % des publiphobes. Effet collatéral des discours électoraux ? Les années de présidentielle sont aussi celles d’une hausse subite de l’optimisme des Français.
Premier enseignement de l’étude : la sévérité, de plus en plus marquée, sur le discours des grandes marques à l’égard des consommateurs (voir graphique), jugé souvent infantilisant et condescendant. « Les individus ont de moins en moins de marques préférées et on n’en trouve que 59 % appréciant d’acheter de grandes marques, ce qui, en creux, signifie que 41 % y sont indifférents », constate Fabien Basiotti, planneur stratégique chez Australie. Les marques sont jugées moins sécurisantes et moins innovantes qu’il y a cinq ans et le consommateur les place de plus en plus souvent sur un pied d’égalité avec les marques distributeur. La note infligée par les Français à ces grandes marques (5,9/10) n’est pas forcément de nature à rassurer les annonceurs. Il est vrai que la crise est également passée par là et, avec elle, la baisse du pouvoir d’achat associée, du moins de façon déclarative, à une baisse de l’envie de consommer.
Seconde leçon de l’étude : 85 % de Français estiment qu’il y a trop de publicité et 79 % qu’elle est « envahissante ». Mais, derrière cette accusation, se dissimule essentiellement une saturation croissante à l’égard de la pub sur le Net.
Retour de la réclame
Entre 2005 et 2012, le montant des investissements publicitaires nets effectués sur le Web est passé de quelques centaines de millions à près de 2 milliards d’euros (source Irep), devançant celui des investissements réalisés dans la radio et l’affichage . « D’où cette perception d’envahissement justifié par la multiplication des points de contact », explique Fabien Basiotti. Les internautes supportent ainsi de plus en plus difficilement bannières et vidéos surgissant au moment d’ouvrir leur boîte email. Au point que Georges Lewi, sociologue des marques, prédit que « dans cinq ans, on verra des gens payer… pour être dispensés de pub sur Internet ».
Sévère ? « Instructif, préfère juger Olivier Aubert, président de l’agence Aubert Storch, car il s’agit d’un excellent indicateur pour nous, publicitaires, sur la manière dont nous devons concevoir des messages pour le Web : plus courts, plus instantanés, plus impactants. Et surtout très attribuables. Dès le début, on doit savoir qui parle. Et cela nous oblige d’une certaine façon à revenir aux racines de la pub des débuts, à l’affiche des années 1920 et à la réclame. »
Les Echos par Véronique Richebois