Stratégies – Monde compliqué, idée simple

Olivier Aubert

Je tiens à féliciter Perrier pour sa rediffusion du spot « La Lionne » conçu et réalisé par Jean-Paul Goude en… 1991. On soupçonnait que les grandes idées ne meurent jamais, mais qui pensait qu’il en était de même des grandes exécutions ? La rediffusion de cette campagne, qui date de près d’un quart de siècle dans un secteur proche des soft drinks, donc très sensible aux effets de mode sur des cibles jeunes, est un événement très significatif.

  1. Une idée simple et primaire défie toujours le temps et les générations.
  2. En dépit des immenses progrès techniques dans le domaine de la réalisation et de la postproduction, une œuvre d’art reste indémodable. (On pourrait d’ailleurs, de la même manière, rediffuser avec bonheur les grands films Chanel du même Jean-Paul Goude, qui n’ont pas pris la moindre ride et je ne parle pas des « Kodakettes », qui ont survécu dans la mémoire collective à l’entreprise qui les annonçait.)
  3. Jean-Paul Goude reste le seul artiste français d’envergure mondiale travaillant encore pour la publicité, dans la lignée d’un Gruau et des affichistes des années 1920 ou 1930, qui avaient déjà tout compris des fondamentaux de la publicité – largement oubliés par une profession majoritairement frappée d’amnésie.
  4. Comme le grand amour, une marque ne rencontre sa vérité publicitaire que très peu de fois voire une seule fois dans sa vie. Et quand elle a la chance de l’avoir rencontrée (ce qui n’arrive que dans moins de 5% des cas), elle ferait bien de s’y tenir avec lucidité et humilité sans céder aux sirènes conformistes du mainstream, qui militent pour des changements coûteux qui n’enrichissent que ceux qui se perdent dans le tonneau des Danaïdes de la cacophonie publicitaire.

La liste est longue des grandes idées et campagnes « vendangées » par certains annonceurs et publicitaires irresponsables qui veulent à tout prix faire différent de leurs prédécesseurs pour justifier leur néant. Grandes idées qu’ils ont remplacées par un robinet d’eau tiède qui a rendu les gens majoritairement publiphobes sous le seul prétexte de satisfaire à la vulgate démagogique du « moderne » et du « changement c’est maintenant » de tous ceux qui paniquent à l’idée de ne plus apparaître comme en phase avec ce qu’ils croient être la jeunesse.

  1. A l’heure de l’explosion numérique, les seuls émetteurs qui émergeront vraiment seront ceux qui sauront faire preuve de cohérence et de constance tant dans l’espace que dans la durée.

Vers un monde de plus en plus compliqué, voguons avec une idée simple : les idées durables seront toujours plus efficaces que les publicités jetables, n’en déplaise à l’air du temps… Car, comme le disait Jean Guitton, l’air du temps est le destin des feuilles mortes.

Stratégies par Olivier Aubert

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